1849 - 1999 : L'intégrale

Au départ de Vienne (juillet 1831), le passeport de Chopin pour Londres porte la mention « passant par Paris ». Il y restera dix-sept ans. C'est le plus fabuleux transit de l'histoire musicale.
« Le plus beau des mondes », a-t-il dit à son arrivée, saluant l'atmosphère de jeunesse, de compétition et de vitalité de cette capitale du cosmopolitisme pianistique. Il gardera toujours cette image, la meilleure peut-être que lui aura donnée la vie, et cela jusqu'aux dernières semaines devant le panorama aperçu de la colline de Chaillot. Mais il a d'autres racines. Sa terre. Son pays dont il est l'âme. Ses dieux : Bach, Mozart, Paganini. Au cœur du romantisme il fait entendre une voix inconnue. Chez lui, le génie a devancé de loin la maturité. On le fête, on l'adore. On passe à côté de l'essentiel. Ce qui semble l'expression du moment porte en germe tout un avenir. Seule l'œuvre globale le révélera après lui. On s'en tient encore à l'émerveillement, au plaisir, à tout ce qui peut rassembler les savants et les sensibles. Comme tous les artistes trop aimés Chopin est une énigme qui ne trouvera sa solution que dans la réalité intégrale de l'œuvre. Comment le prodigieux engouement qu'elle a pu susciter, suscite toujours, pourrait-il devancer une révélation plus attentive?
   
Sommes-nous au terme de la découverte d'un des musiciens les plus hantés par une approche méthodique de la perfection? Cette découverte est inépuisable chez Chopin comme elle l'est chez tous ceux qui ont su donner une impulsion nouvelle au langage, à la prosodie, aux formes traditionnelles. Disons, comme chez les poètes, ses contemporains définitifs.
Son époque versait parfois dans le pathos, la déclamation, l'hypertrophie du moi. Chopin a eu le génie de la concision, du fugitif, de l'inexprimé. La brièveté est chez lui le gage de l'accomplissement. Quelques notes lui suffisent pour creuser un espace sonore, pour indiquer une phrase qui restera en nous fixée, la ligne rhapsodique qui nous entraîne aussitôt dans un monde que seule la poésie aura exploré avant lui. Il faut avoir une vue complète de l'œuvre pour mesurer cette économie, cette diversité d'accents, cette maîtrise, l'invention et la souplesse de cette écriture. Ce qui nous la fait reconnaître entre toutes. Chopin n'a pas construit de cathédrales, mais il a ouvert d'autres perspectives, d'autres accès à ce paysage intérieur. Personne n'aura eu plus grande intelligence de cette musique qu'Olivier Messiaen en disant : « Chez Chopin la note a une couleur. »
   
Camille Bourniquel

 

La commémoration à la Madeleine

Frédéric Chopin
Prélude n° 4 en mi mineur, aux grandes orgues

- Lettre de Chopin à Norbert-Alphonse Kumelski, à Berlin


Frédéric Chopin
Prélude n° 6 en si mineur, aux grandes orgues

- Extrait des « Impressions et Souvenirs » de George Sand


Wolfgang Amadeus Mozart
Requiem en ré mineur K. 626

-Extrait du carnet de notes de Chopin, Stuttgart, septembre 1831


Frédéric Chopin
Marche funèbre, orchestrée par Henri Reber

avec
Andrzej Seweryn, de la Comédie-Française
Izabela Klosinska, soprano
Urszula Kryger, mezzo-soprano
Krzysztof Szmyt, ténor
Józef Frakstein, basse
François-Henri Houbart, organiste de la Madeleine
Eric Leroy, organiste de chœur de la Madeleine
l'Orchestre National de France, sous la direction de Jerzy Semkow
le Chœur de Radio France, dirigé par Ching-Lien Wu

Ce concert a été diffusé en Eurovision et en direct par France Musiques et la Télévision polonaise.